Petit village des Alpes-de-Haute-Provence, Moustiers est un centre faïencier brillant qui depuis la fin du 17e siècle soutient la comparaison avec d'autres centres français tels Nevers, Rouen ou Marseille.
Doté de solides atouts, bois, eau et terre en abondance, Moustiers parvient à conquérir une clientèle exigeante et fortunée comme en témoignent les nombreuses pièces et services armoriés réalisés sur commande pour les plus grandes familles provençales et des proches du roi.
Si les pièces en blanc-bleu, une vaisselle de montre souvent composée de plats d'apparat, sont remarquables par leur ampleur et la perfection de leur exécution (fabrique Clérissy), c'est à Joseph Olerys, de retour d'Espagne, d'Alcora précisément, associé à son beau-frère Jean-Baptiste Laugier, que l'on doit l'introduction d'un nouvel ordre décoratif basé sur une polychromie de grand feu. Si le 18e siècle est prospère, les manufactures touchées de plein fouet par le succès de la porcelaine périclitent dès la première moitié du 19e siècle.
Ce grand plat au décor raffiné et très recherché, en camaïeu bleu, mélange de manière savante les univers de la peinture, de la mythologie et de l'architecture. Au centre dans un cartel, la scène représente Orphée charmant les animaux. Interprétée à la manière d'une miniature, elle est issue d'estampes dont le modèle gravé reste inconnu.
Les différents éléments reliés entre eux par des motifs décoratifs de rinceaux, de putti, de fleurs et d'animaux sont caractéristiques d'un décor dans le goût de Jean Bérain, célèbre ornemaniste disparu en 1711. S'y ajoutent des motifs nouveaux, petits personnages grotesques, singes et guirlandes qui deviendront caractéristiques du vocabulaire décoratif de Moustiers, notamment de la fabrique Olerys-Laugier fondée en 1738 par Joseph Olerys à son retour d'Alcora, proche de Valence en Espagne.